Se réunir durant la pause de midi, pour réfléchir ensemble, sans tabou, à l’université de demain : la scène s’est déroulée en parallèle sur les campus Esplanade et d’Illkirch, jeudi 14 mars, à l’occasion du lancement des ateliers participatifs de la consultation Cap 20301. Reportage.
Thématique commune aux deux premiers ateliers : « Qualité de vie dans les études et au travail ». Tout comme en ligne (150 contributions, 773 votes, 136 participants), le sujet mobilise : ils sont plus d’une trentaine à se retrouver ce midi dans une salle du Platane. Il aurait été difficile d’y faire rentrer davantage de monde.
Les personnels Biatss2 se taillent la part du lion lorsque les deux animateurs de séance, David Cascaro3 et Yves Lichtenberger4, sondent la salle : seuls six étudiants et deux enseignants-chercheurs nous rappellent que l’université est « communauté ». Parmi les participants, des têtes connues - chefs de services, doyens - mais aussi des agents « lambda » issus de services plutôt diversifiés : relations internationales, bibliothèques, numérique, action culturelle, prévention-sécurité-environnement, formation continue, Eucor, facultés des sciences sociales et des langues…
« Plus à partager qu’on ne le croit »
« On a plus à partager qu’on ne le croit », introduit Yves Lichtenberger, exhortant les participants à faire émerger « une vision à long terme ». David Cascaro, lui, invite à partir du cadre de « notre environnement immédiat, qui peut être immatériel, mais aussi très trivial : l’accessibilité matérielle, les chaises, le chauffage, l’éclairage, les bâtiments… »
Chacun siège à l’une des grandes tables autour desquelles se sont répartis les participants à l’atelier, avec pour mission d’arbitrer les débats. Leur contenu étant consigné par écrit (numérique) par deux secrétaires.
Sans que les animateurs de séance l’aient orientée en ce sens, la discussion sur les deux tables commence par rouler sur un sujet commun : l’accès ouvert du campus, qu’il faudrait encore accentuer pour certains, afin d’accroitre « l’ouverture à la cité ». Pendant négatif : « la sécurité, problématique en particulier l’hiver, le soir ».
Rapidement, la question de la précarisation croissante au sein de l’université arrive sur la table, et reviendra comme un fil rouge au long des deux heures. Précautionneux et courtois – on lève même la main pour prendre la parole – le ton montera parfois sur les questions plus polémiques.
A l’image de la situation brûlante des enseignants vacataires, soulevée par les étudiants. « Il y a des lenteurs dans certains services pour le traitement des dossiers, concède une cheffe de service. Mais certains tardent aussi à nous rendre les papiers signés. N’opposons pas agents et enseignants : tous sont soumis à une précarisation croissante. Sans compter les arrêts non remplacés, qui n’accélèrent pas les choses... »
Chauffage et sentiment d’appartenance
De la « pénurie d’espace » aux répartitions inégales des crédits pour l’acquisition de matériel informatique, en passant par une « nécessaire mutualisation de certains bureaux », sans oublier « l’assouplissement du télétravail » : les sujets sont divers et le débat sans langue de bois. De la critique de la mauvaise isolation de certains bâtiments et amphis (trop chaud en été, glacial en hiver), on rebondit sur « la nécessité des économies d’énergie par des petits gestes : éteindre son ordinateur, la lumière… Pas évident pour tout le monde ! » Emerge aussi la proposition « d’acquérir du matériel plus cher à l’achat, mais au coût de fonctionnement moindre ». « Il faut cesser d’aller vers le moins disant, en particulier dans les marchés de ménage », réagit quelqu’un. « A force d’externaliser - ménage et sécurité - le sentiment d’appartenance à l’université s’étiole », abonde une étudiante. « Et ça ne va pas s’arranger avec la menace de la hausse des frais d’inscription des étudiants étrangers, approuve une autre. Ils se sentent de moins en moins bienvenus. »
Bien-être
A 13 h 30, les participants s’ébrouent, se lèvent et se dirigent vers le fond de la salle, où sont alignés des sacs de papier bruns siglés « Crous ». Le temps d’avaler un sandwich ou un café, et c’est déjà le temps du bilan. Les animateurs de séance font un tour de table pour recueillir les dernières doléances. Les éléments issus des onze ateliers feront l’objet d’une synthèse globale.
« Le bien-être des étudiants passe par celui des personnels, rappelle une participante. On a besoin de vrais lieux de pause. » Pour nombre de participants, le mot de la fin va dans le même sens : « Retrouver la finalité de son travail, pour plus de motivation », « inverser la logique : remettre l’humain au centre, avant la logique comptable », « se recentrer sur les personnes qui viennent à l’université, pour étudier, pour travailler ». « Finalement, on a tous intérêt à marcher ensemble ! » reconnaît un étudiant. Comme une évidence.
Elsa Collobert
- Cap 2030 : plateforme et prochains ateliers
1 Bénéficie du soutien de l'Initiative d'excellence, dans le cadre des Investissements d'avenir
2 Bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé
3 Directeur de la Haute école des arts du Rhin (Hear)
4 Sociologue, membre du Comité d’orientation stratégique (COS) et conseiller à la Conférence des présidents d’université (CPU)